Remise de doctorat honoris causa - Prof. Zdeněk P. Bažant (2023)Campus d’Anglet à 17h (ISA BTP)
Le 23 nov. 2023
Laurent Bordes, président de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, a remis le diplôme de doctorat honoris causa à Zdeněk Pavel Bažant le 23 novembre 2023 sur le campus de Montaury à Anglet, en présence de Benoît Ducassou, directeur de l’Institut supérieur aquitain du bâtiment et des travaux publics (ISA BTP) et de Gilles-Pijaudier Cabot, vice-président de l’UPPA en charge de l’I-SITE E2S et des grands projets.
Un an et demi après Denis Mukwege, Zdeněk Pavel Bažant est la 17e personnalité à recevoir le titre et les insignes de docteur honoris causa de l’UPPA. Ingénieur civil né à Prague en 1937, il est professeur de génie civil et de science des matériaux au Département de Génie civil et Environnement à Northwestern University près de Chicago aux États-Unis depuis 1969. Il est considéré comme l’un des scientifiques les plus éminents en matière de mécanique des solides.
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Télécharger l'éloge prononcé par Gilles Pijaudier-Cabot (PDF 138 ko)
Télécharger le CV complet de Zdeněk P. Bažant avec ses publications (PDF 7 pages 85 ko)
Un chercheur classé au 1er rang mondial en génie civil et 2e rang en ingénierie
Zdeněk P. Bažant est un chercheur mondialement connu. L'enquête 2019 de l'université de Stanford sur les citations de plus de 250 000 auteurs de génie civil a classé Zdeněk P. Bažant au premier rang en génie civil et au deuxième rang en ingénierie. Il a révolutionné la mécanique des solides avec plusieurs résultats qui ont drastiquement changé les pratiques des ingénieurs en mécanique et en génie civil.
Loi d’effet d’échelle
Selon les théories classiques de l'élasticité et de la plasticité, la résistance d’une structure ne change pas lorsque on diminue ou augmente sa taille tout en respectant ses proportions. La modification de cette résistance est appelée effet d’échelle. Les effets d’échelle ont été observés mais, pendant plus de trois siècles, ils ont été attribués au caractère aléatoire de la résistance des matériaux tandis que, après 1939, ils ont été expliqués par les statistiques de Weibull.
Ce paradigme a été totalement modifié par la découverte par Bažant, en 1984, de la loi de l'effet de d’échelle, qui porte désormais son nom. Cette loi s'applique à tous les matériaux quasi fragiles (sols, bétons, roches, composites…) et également aux métaux et à tous les matériaux à l'échelle micro et nanométrique, y compris les composites et les nanotubes.
Rétrospectivement, la découverte de Zdeněk P. Bažant a été une révolution. La plupart des structures de génie civil sont bien trop grandes pour pouvoir tester un prototype à l’échelle 1. Dans les comités d'élaboration des règles de construction de l'American Concrete Institute (Institut américain du béton), la loi de Bažant a été acceptée après 35 ans de discussions, de vérifications expérimentales diverses et de démonstrations du rôle de l'effet d’échelle dans de nombreuses situations accidentelles : plate-forme pétrolière de Sleipner, viaduc de Montréal, viaducs d'Oakland et de Kobe (consécutivement aux tremblements de terre de Californie et du Japon), grands bâtiments (entrepôt Shelby), barrages (Malpasset, Koyna, St. Francis), etc.
Pour certaines géométries de structures, le caractère aléatoire de la résistance des matériaux peut néanmoins contribuer de manière significative à l'effet d’échelle. En 2000, Zdeněk P. Bažant a formulé une loi combinant les effets d’échelle déterministe et statistique. En 2017, en étudiant des matériaux biomimétiques nacrés connus pour leur extraordinaire résistance, il a amélioré cette loi, permettant ainsi de calculer des probabilités de défaillance inférieure à 1 pour un million rigoureusement. Ceci est important pour garantir la solidité de structures courantes telles que les ponts, les avions ou même les puces d'ordinateur.
Modèles de fissuration des matériaux
La découverte de la loi d’effet d’échelle par Zdeněk P. Bažant a été précédée par des développements prouvant l’existence, au cours de la rupture d’un matériau, d’une phase de comportement stable pendant laquelle sa résistance mécanique décroît progressivement. Cela l'a conduit à formuler en 1983 le modèle fissuration distribuée (crack band model).
Grâce à sa simplicité, ce modèle domine aujourd'hui la modélisation numérique des structures en béton. Il est intégré dans divers codes commerciaux (ATENA, DIANA, SBETA ...). C'est le seul modèle de fissuration distribuée utilisé pour la vérification de la résistance des cellules en composites chez Boeing et Airbus.
Pour saisir toute la complexité du comportement mécanique des géomatériaux, Zdeněk P. Bažant a conçu une nouvelle approche - le modèle de microplan. Ce modèle est devenu un standard dans les logiciels commerciaux (ANSYS, ATENA, DIANA, ES3...), et dans les codes FE (finite element ou éléments finis) utilisés dans les laboratoires de la défense américaine (EPIC, PRONTO...) pour évaluer la résistance des structures aux impacts et aux explosions.
Comportement différé des structures
Le fluage, c'est-à-dire la croissance de la déformation d’un matériau sous une charge constante, et le retrait, c'est-à-dire la déformation causée par le séchage et l'hydratation du ciment, sont des propriétés complexes du béton pour lesquelles Zdeněk P. Bažant est également considéré comme le principal expert mondial.
Ces déformations, qui commencent quelques secondes après la mise en charge, se poursuivent à un rythme décroissant pendant au moins un siècle, et sont généralement non uniformes. Cela provoque des dommages qui se transforment en fissures, provoquant l'entrée d'humidité et d'agents corrosifs, ce qui réduit considérablement la durée de vie de la structure (et nécessite donc de produire plus de ciment, ce qui entraîne inévitablement une énorme empreinte de CO2).
Ces dommages rendent l'analyse du fluage et du retrait indissociable de la mécanique de la fissuration et des effets d’échelle évoqués plus haut. Bažant a été le premier à modéliser le séchage et le retrait du béton en 1972. Ce modèle est maintenant incorporé dans les règles européennes et approuvé par l'ACI-209.
Le fluage du béton dépend d’un grand nombre de facteurs. En les analysant théoriquement, Zdeněk P. Bažant a formulé des modèles qui sont devenus les références internationales. Pour calibrer ses modèles, il a rassemblé la plus grande base de données mondiale d'essais en laboratoire, comprenant environ 50 000 données.
Engagement sociétal
Zdeněk P. Bažant a été un militant pour la promotion de la science. Il a fait campagne contre la pratique légale consistant à garder confidentielles les données techniques sur les défaillances structurelles après un procès.
Il a notamment convaincu le Congrès mondial des ingénieurs en structures de 2007 d'adopter une résolution demandant la levée des scellés sur les données techniques relatives à l'effondrement tragique, en 1996, du pont KB aux Palaos en Indonésie (une poutre caisson précontrainte d'une portée record qui a fléchi de 1,61 m pendant 18 ans). Un juge de Sacramento a levé les scellés sur ces données qui lui ont permis d'expliquer de manière analytique les causes de cet accident. Il a ensuite formé et présidé un comité international qui a collecté des données sur 71 ponts présentant des dommages similaires.
Tout cela a conduit à l'acceptation de sa proposition de changer les codes de conception américains et européens pour modéliser le fluage.
À la suite de l'effondrement des tours du World Trade Center à New York, son analyse a conduit à la formation d'un comité de l’American Society of Civil Engineers dont l’objectif était d’étudier de nouvelles conceptions empêchant un tel effondrement.
Soucieux du patrimoine culturel, Zdeněk P. Bažant a aussi expliqué pourquoi d'anciennes tours en Italie (et ailleurs) s'effondrent après 700 ans d'existence.
Chiffres et distinctions
Professeur passionné par le mentorat, Zdeněk P. Bažant a décerné 62 doctorats. Il a donné plus de 120 conférences plénières, présidé de nombreux comités nationaux et internationaux, organisé 18 conférences scientifiques et publié 9 livres.
Il est membre de 14 académies dans le monde (dont la National Academy of Sciences aux USA) et l’auteur de plus de 620 articles (82 000 citations). Il a reçu une cinquantaine de distinctions nationales et internationales (dont l’Austrian Cross of Honor for Science and Art en 2016) et 12 diplômes de docteur honoris causa (dont le titre de docteur honoris causa de l’INSA de Lyon en 2004).
Les liens du Prof. Bažant avec l'Université de Pau et des Pays de l'Adour
D’origine tchèque, ses liens avec la France ont toujours été particulièrement étroits. C’est à Paris en effet que Zdeněk P. Bažant commence sa carrière de chercheur en 1967 au sein du laboratoire central des Ponts et Chaussées. Il y séjournera une année et partira ensuite aux États-Unis. Il a participé à l’encadrement de 14 étudiants français (inscrits en master ou doctorat en France ou à Northwestern University) au cours de sa carrière.
Ses liens avec l’université de Pau et des Pays de l’Adour sont multiples :
- Zdenek P. Bažant est membre du hub Newpores (Nouvelles frontières des matériaux poreux) créé en 2019, une équipe de recherche internationale conjointement pilotée par l’UPPA et Northwestern University. Cette équipe rassemble 14 chercheurs, dont 7 de l’UPPA et 5 de Northwestern University. Elle implique plus d’une quinzaine de doctorants et des post-doctorants. Certains doctorants sont engagés dans des cursus qui les mèneront à l’obtention des diplômes de doctorat de l’UPPA et de Northwestern University.
- Il a été à l’origine de deux associations internationales (l'International Association for Concrete Creep, Shrinkage and Durability (IA ConCreep) et l’International Association for Fracture Mechanics of Concrete and Concrete Structures (IA FraMCoS). L’UPPA a été l’hôte de la dernière conférence internationale de l’IA-FraMCoS en 2019, sous la présidence de deux professeurs de l’université (G. Pijaudier-Cabot et C. La Borderie).
- Enfin, il a publié une dizaine d’articles avec un professeur de l'UPPA, dont certains ont été cités plus de 1500 fois.
Conférence le 23/11/2023 à Anglet
In engineering, the experimental data are often limited to one extreme of the range of system size, desired service time and failure probabiliy. The tolerable failure probability typically is <10-6 while the data reach only 10-2. These are particularly steep hurdles for concrete and geotechnical engineering and the rational setting of safety factors, and also big challenges for the design of large composite airframes, including the digital twins, high-k gate dielectrics, nuclear power, sea ice fracture and shale fracking, as well as environmental technologies such as deep CO2 sequestration, giant wind turbines and geothermal heat extraction. In these problems, order-of-magnitude extrapolations must be made. They seem intractable by machine learning and AI, while no physically based theory for the entire range exists. But what can often be theoretically derived and verified computationally are the asymptotic properties for both opposite extremes of the range. Then the trick is their two-sided (or multi-sided) asymptotic matching anchored to a database at one extreme only. Various computational and analytical approaches are outlined keeping the math to a minimum. Examples of failures and curtailed lifetimes are presented. In closing it is pointed out that, in the case of concrete, realistic extrapolations not only have economic and safety benefits but also help to mitigate in the long run the calamitous CO2 emissions from the worldwide cement production, which are about to exceed those from all the fossil fuel driven transportation yet face disproportionately low attention in the media, politics, and funding allocations. Reference: Z.P. Bažant, H.T. Nguyen, A.A. Dönmez (2023), “Scaling in size, time and risk – The problem of huge extrapolations and remedy by asymptotic matching.” J. Mech. Phys. Solids 170, 105094, 1-20.